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Changer de production Des grandes cultures à petite échelle

Après quinze ans en maraîchage, les associés du Gaec Al Noguer ont changé de cap et produisent désormais de la farine et du foin.

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Au Gaec Al Noguer à Pia, dans les Pyrénées-Orientales, la chambre froide qui accueillait des artichauts et des salades contient désormais des palox de 400 kg de céréales. « À 12 °C, les grains, produits en bio, se conservent très bien durant toute une année. Nous pouvons ainsi les moudre au fur et à mesure des commandes de farine », explique Pierre Espejo. Avec sa femme Bérengère et son frère Lionel, ils cultivent 60 hectares de céréales et de prairies, après avoir été longtemps maraîchers. « Nos parents n’étaient pas agriculteurs. Le maraîchage nous a permis de démarrer avec peu de foncier », explique Pierre. En quinze ans, la surface a grimpé à 15 hectares, avec des récoltes de légumes qui s’enchaînaient de novembre à mai. « Nous avons fait de bonnes années. Mais les prix, très variables, n’étaient vraiment rémunérateurs que lorsque des aléas climatiques réduisaient la production dans d’autres régions. Ce n’était pas satisfaisant », relève Pierre. En plein champ, il y avait aussi beaucoup de risques climatiques. À l’automne 2010, les exploitants ont dû labourer des salades car elles avaient pourri à la suite de fortes pluies. « C’est l’aléa de trop qui nous a poussés à changer de façon de travailler », explique Bérengère.

 

Les prairies de sainfoin (en photo) ou de luzerne donnent deux à trois coupes de foin, vendu en direct à des éleveurs. © Frédérique Ehrhard

Cinq ans de transition

Les trois associés ont d’abord fait le choix du bio et ont introduit des couverts dans la rotation, afin d’améliorer les sols. « Cultiver de l’herbe m’a plu », indique Pierre. Un voisin éleveur de chevaux lui a alors suggéré de produire du foin. « J’avais envie d’évoluer dans mon métier, poursuit-il. Il y avait une demande locale. Après nous être renseignés sur cette production auprès d’agriculteurs de l’Aude, nous nous sommes lancés. »

Il leur a fallu cinq ans avant d’arrêter le maraîchage. « Nous avons converti les terres par étapes, tout en investissant dans du nouveau matériel. Et pour arriver à la surface minimum en grandes cultures de 16 hectares par associé, nous avons dû nous agrandir », souligne Pierre. Pour y parvenir, ils ont acheté des parcelles et remis en culture des friches, dans le cadre de conventions de mise à disposition précaires.

Les grains sont moulus à la ferme avec un moulin à meule de pierre de type Astrié, qui a coûté 10 000 € aux associés du Gaec. © Frédérique Ehrhard

 

 

Désormais, les exploitants cultivent 40 hectares de luzerne et de sainfoin, en rotation avec 20 hectares de céréales, dont 10 hectares d’une variété ancienne de blé panifiable, le barbu du Roussillon. « Nous avons supprimé les traitements et les engrais, ce qui a bien allégé les charges. Nous veillons à restituer au sol la majorité des pailles et la dernière coupe d’herbe, afin de maintenir le taux de matière organique », poursuit Pierre. Dans ces sols d’alluvions fertiles, ils obtiennent un rendement moyen en blé de 25 quintaux à l’hectare et réalisent deux à trois coupes de foin.

Bons débouchés locaux

Il y a quatre ans, les agriculteurs ont investi dans un moulin à meule de pierre pour réaliser la mouture à la ferme. « Nous conditionnons la farine en sacs de 25 kg, 5 kg et 1 kg, que nous vendons pour moitié à des particuliers, et pour l’autre moitié aux boutiques Biocoop du département et à quelques boulangers », précise Bérengère. Le foin, en grosses balles rondes ou en petites balles carrées, est recherché par les éleveurs de la montagne afin de compléter leurs stocks pour l’hiver. Avec ces nouvelles productions en circuits courts, les trois associés ont pu fixer leurs prix de vente en fonction de leurs coûts. « Nous ne subissons plus les cours des marchés, c’est une vraie satisfaction ! Avec les légumes frais, qui ne peuvent pas se conserver, nous n’arrivions pas à négocier nos prix », déclare Lionel.

Il reste malgré tout des aléas. « En 2021, le printemps a été exceptionnellement sec. Nous n’avons récolté que 13 q/ha de blé, et nous n’avons pas pu fournir nos clients jusqu’à la fin de la campagne. Il ne faudrait pas que cela se renouvelle trop souvent », confie Pierre. Ce printemps, les pluies ont été au rendez-vous, heureusement, et le potentiel s’annonce bien supérieur.

Grâce à cette nouvelle orientation, l’équilibre entre travail et revenu s’est amélioré. « Il y a une forte demande locale en farine comme en fourrages. Nous pourrions produire plus, mais nos journées sont déjà bien remplies, cela suffit, affirme Pierre. Mais si notre fils souhaitait s’installer avec nous, nous serions prêts à mettre en route de nouveaux projets ! »

Frédérique Ehrhard

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